Il a le coeur électrique et les mains qui s’animent ; les phalanges se plient se déplient et Raul le regarde - trouve ça davantage fantastique qu’il ne se rendait pas même compte qu’il formatait son esprit pour la traque, qu’il transformait cet être qui n’était rien en machine qui savait tout. Et il observe l’humanité devenir chasseur, devenir menteur manipulateur, il observe la machine chasser avec tant d'habileté qu’elle le dépasserait peut-être - il admire, dans le regard de ceux que la machine trahit, une lueur désespérée.
Raul n’était pas si habile avec la technologie alors peut-être que si l’on avait laissé cet être hors de sa portée il s’en serait sorti sans trop de sang sur les mains ; pourtant si peu protégé du monde il a planté ses griffes il a tiré les fils, manipulé le corps en rien humain (alors pourquoi était-ce si grave ?) s’il n’était pas homme - il ne devrait pas être puni il devrait être acclamé de faire ce que d’autres ne peuvent.
En l'occurrence cette fois-ci, voilà qu’ils s’étaient retrouvés intégrés près d’un groupe d’ignares qui semblait penser que la destinée ne les rattraperait pas. Les individus tels que Morgana ne méritaient pas qu’on leur accorde de seconde chance ; pourtant Raul désirait s’y essayer, peut-être pour les marquer à jamais.

— Quel bon travail, Nikolas. C’est la main qui se pose amicalement sur son épaule, le félicite de ce qu’il a fait (il se détesterait probablement s’il savait) et pourtant ça ne s’arrêtera pas là. C’est ici que tout commence, dans ce bureau et il n’avait pas idée de ce que le Loup s’apprêtait à lui faire faire.
Face à eux deux corps, deux inconnus, deux ignares, deux âmes que Raul avait forcé à Nikolas de traquer - il lui avait dit fait en sorte qu’ils te prennent de pitié il lui avait ordonné fait en sorte qu’ils te chérissent tant qu’ils ne remettront jamais en doute tes mots et cela avait marché. Ça avait marché puisqu’ils étaient désormais là, tous deux des moins que rien, le regard déconstruit posé sur la machine. Le regard qui se demandait pourquoi et qui se demandait comment et Raul peur répondrait bien mais ce n’est pas lui qui les a trahi n’est-ce pas ?

— Nous allons pouvoir passer à la partie la plus intéressante du travail. Alors le Loup dans sa forme la plus humaine, se penche et les borde d’un regard dans sa forme la plus cruelle ; Bien, je vais vous poser quelques questions et croyez moi je vous conseille de me dire la vérité. Le regard appuyé, il n’y a pas de nous car ; pourquoi il y aurait-il un nous ? Ce n’est qu’une vulgaire machine ! Il n’y a qu’eux, il n’y a que lui, sans doute son supérieur ne serait pas d’accord avec cette méthode et peut-être que Raul s’en moquait.
Tout ce qui l’intéressait, c’était d’utiliser l’androïde pour accomplir la volonté de la Destinée, c’était ce que lui avait inculqué Wilhelm.
L’Alliance, quelle idée nauséabonde. Raul aurait aimé en rire davantage, mais il savait que ceux qui s’y trouvaient étaient désespérés. Pourquoi ainsi rire de leur malheur ?

— Nikolas a cru comprendre que vous étiez établis quelque part - cette “réunion” à laquelle vous l’avez invité. Je veux tout savoir, quand, où, de quoi vous discutez. Et s’ils ne répondent pas, s’ils restent silencieux, s’ils commencent à pleurer alors il n’aura qu’un signe à faire pour que la machine s’exécute.

Il ôte l’espoir aux vivants, il remue dans les tripes - il y mélange l’angoisse la peur la colère et la déception. Raul sourit, de ces sourires longs qui en disent tant dans un silence mortifère ; il s’avance de deux pas distincts, se penche en direction des deux victimes. Il n’a pas même pour souvenir leur nom, c’est que pour lui ils importent peu, mais dans cette immense scène qu’est la destinée - l’acteur même le plus minime est un engrenage majeur.
Le loup lui-même savait avoir le souci du détail ; et qu’il appréciait quand tout le monde était à sa place, de la même façon qu’il appréciait l’androïde dans sa forme la plus utile. Si là n’était pas son rôle..

— Allez, je suis persuadé que vous devez avoir dévoilé bien des choses à votre ami. Ami qui n’en est pas un, être à peine vivant - totalement contrôlé, manipulé, déconstruit. C’est Raul qui tient les cordes, tire les ficelles, s’amuse à le faire basculer, bousculer puis s’écraser. Dans leurs regards, il y devine la panique ; ils n’ont pas idée de tout ce qui lui est donné de savoir.
Et à vrai dire, il aurait pu s’arrêter là. Demander à la machine tout ce qu’elle savait ; ce n’était qu’une scène pour faire une scène. Bien, puisque vous ne semblez pas décidés à parler.. En réalité, il fallait voir plus loin encore ; utiliser la machine comme une arme, et bien plus qu’une arme de collecte d’information - une véritable arme, celle qui se faufile partout et sait tout, celle qu’on utilisera encore et encore s’il le faut, et sous toutes ses formes..

Alors, le jeune homme muet jusqu’à maintenant s’exclame - incertain, le regard qui se faufile çà et là, qui cherche peut-être une piste. Et du regard le loup vient le surplomber, il vient planter ses crocs dans son regard (il pourrait lui mentir, il connaîtrait déjà la réponse) et ses orbes brûlantes le lui murmurent ; il saura tout, il sait déjà tout, il veut simplement s’amuser. Il n’y a rien, rien que vous ne savez pas déjà ! C’est incertain, c’est comme se jeter dans la gueule du loup, lui offrir sa nuque, lui tendre les poignets liés et Raul ne rit pas. Son visage pivote vers Nikolas - il n’a besoin de dire qu’une chose.

— Nikolas, peux-tu répondre à mes questions à leur place ? Il le fera, car il il le fait toujours. Également, peux-tu apprendre à ce jeune homme comment nous traitons ceux qui sont incapables d’y répondre ? Quant à celle à ses côtés, elle n’aura qu’à regarder ; peut-être était-ce ainsi le moyen de dénicher tout ce dont ils n’avaient pas idée. Ce que la machine ne peut révéler.

Le sourire long alors - il admire la machine s’exécuter, seuls les ordres tombent ; il n’a qu’à dire fait pour voir l’androïde obéir. Lui n’a besoin que d’être menaçant, il n’a besoin que de les contempler comme s’ils importaient peu, comme s’ils pouvaient être là puis disparaître brusquement - personne d’autre que le livre ne les chercherait. La destinée elle-même renverrait d’autres les remplacer, c’est dire à quel point ils étaient importants.
Alors quand se jouent les informations il a l’air fier - droit son poil se hérisse ; c’est l’impatience, la joie, la fierté d’avoir décuplé les pouvoirs d’une machine pour la transformer en arme. Et il admire ces deux êtres, sourire aux lèvres ; il les admire d’un regard qui n’en est pas un, qui ne les considère pas même réellement, ils ne sont que des pantins, que des sujets d’un test qui allait marcher de toute évidence, que des êtres remplaçables qui empruntaient une mauvaise route.

— Parfait. Son regard se pose sur la machine, car il faut savoir la féliciter quand elle agit correctement, comme lorsqu’on dresse un chien. C’est ainsi que vous comptez faire tomber l’Ordre ? En ne surveillant pas même à qui vous prêtez votre confiance ? Il ne retient pas même un rire - son regard se pose sur la machine qui obéit déjà, suit ses ordres et fait imploser le sang contre la chair.
Comme si le cruor l’appelait, sa soif se décuple - il a besoin de continuer, de voir jusqu’où il pourra amener cette arme, celle qu’il a créée.

— Voilà qui devrait vous faire passer l’envie de ne pas tout me dire quand je vous le demande. Il ne demande pas à Nikolas d’arrêter, bien au contraire. Raul se penche, vient saisir toute la douleur du regard de la personne à qui il fait face - il se nourrit des grognements, des larmes qui commencent à se former, de ce regard suppliant. Il se nourrit de provoquer la peur (c’était pour ça qu’il était ici), il se nourrit de la douleur, il se nourrit de tout ce qu’il créé, bon ou mal. Comment comptez-vous vous y prendre hm ? Nous attaquer ? Êtes-vous préparés à ce que vous allez créer ? Pas de réponse instantanée, seulement des cris étouffés. Alors il somme un instant la machine de s'arrêter. Son regard s’écoule sur la deuxième à sa droite, et ses orbes se vissent dans les sienne.

— Vous savez que si vous disparaissez, la Destinée enverra simplement quelqu’un vous remplacer. Votre vie n’a aucune valeur ; je peux la prendre si je le désire. Je n’ai qu’à demander, n’est-ce pas Nikolas ? Il n’a qu’à demander la mort pour l’obtenir, il n’a qu’à se prononcer, peut-être que les fils ont été tellement tirés que ça ne sera rien pour lui, rien d’autre qu’un souvenir parmi tant d’autres, parmi tant d’horreurs.

C'est peut-être car il n'est pas né homme qu'il convient pour lui d'écraser les faibles et dévorer les inconscients. Il est né pour dévorer et il sera bientôt rangé au rang de Roi ; pourquoi devrait-il geindre des peines d'autrui ? Les autres sont trop dociles, les autres sont trop tendres alors il leur dévoilera la rage et le sang, il leur montrera à quel point la bête règne si elle est capable de sortir les crocs. Le monde se moque de la douceur est de l'impatience, c'est de ses griffes qu'il doit arracher la liberté aux vivants.
Il observe, ordonne ; puis éclate de rire. C'est avant tout moqueur, c'est surtout rieur, c'est tordant quand il les écoute - il les entend suppliant, s'adresser à cette machine sans libre arbitre ; parce que le loup le lui a arraché.

— Des amis ? Son rire se dissipent et sa voix s'alourdit ; à mesure que son regard se pose sur la machine, ses pupilles se dilatent. Ne me faites pas rire, vous êtes si naïfs que ça ? Sa paume vient contaminer l'épaule de Nikolas, déposer son indubitable possession - ses phéromones créent ailleurs la peur, la terreur. C'est une vulgaire machine, comment pourrait-elle se prendre d'affection ? Sa poigne se resserre, son sourire se referme, et ses iris se vissent dans leurs homonymes.

— N'est-ce pas Nikolas ? N'est-ce pas ? N'est-ce pas ? N'est-ce pas ? N'est-ce pas ? Bien sûr - Raul est indéniable, s'il le contredisait, il n'aurait pas de pitié à s'en défaire, pas de pitié à arracher ses circuits, un à un, ou plus ; il n'aurait pas de pitié pour lui, pas plus qu'il n'en aurait pour eux. Après tout, ton existence n'a de sens que parce que je t'en ai donné une. Il n'y a que moi que tu dois croire. Que lui qu'il doit écouter, que lui à qui il doit répondre.

Les autres n'ont pas d'importance.
Et quand Raul admire la machine, les étincelles et le vide il sourit. Il sourit car c'est ainsi qu'il la formé, formaté, totalement déconstruit.

— Peux-tu m'affirmer Nikolas, qu'ils n'ont rien d'autre à nous dévoiler autre que ce que nous savons déjà ? La prise est ferme, l'ordre est clair. Si la machine affirme, alors on les enfermera ; si la machine nie, alors le sang n'a pas fini de couler.