La silhouette encapuchonnée de Rebecca errait dans les ruelles du Quartiers du Mal tel un fantôme cherchant une victime à tourmenter. Elle évitait soigneusement toutes âmes et préférait se faire aussi discrète qu'une souris. Une membre de l'Ordre qui se baladait chez l'ennemi... Les Sentinelles, tout comme l'Alliance, n'hésiteraient pas à lui couper la tête pour trahison ou espionnage. Alors elle avait élaboré un plan. D'abord passer inaperçu, prendre une vieillerie à réparer et retirer ses gants. Sous son manteau une montre à gousset qui ne tiquait, ni ne taquait plus depuis fort longtemps. Sa Mère y tenait beaucoup et elle avait entendu parler d'une enseigne renommée dans le domaine. Au Bouleau de Fer. Mais les objets lui avaient révélé que le propriétaire : Nikolas Ferro pouvait être une oreille attentive à ses problèmes. Naïve ? Certainement. Pourtant Rebecca plaçait plus souvent sa confiance dans les objets, que dans les humains.

L'architecture et l'ambiance de ce quartier ne ressemblaient en rien à ceux du Quartier du Bien. Elle grimaça. S'il fallait vivre là-dedans, elle préférait encore suivre sa destinée jusqu'à la fin. Non, elle n'aimait pas ce qu'elle voyait. Cependant, elle était mue d'une curiosité maladive. Elle voulait savoir. Elle voulait comprendre d'où venait ce courage de s'opposer ainsi à l'autorité supérieure. Elle-même, qui avait un mal fou à se sortir des jupons de sa Mère, ne se voyait pas défier des membres plus aux placés. Elle choisit donc d'emprunter une voie plus sournoise, mais plus sûre. Une pointe de culpabilité lui transperça le cœur. Ce sentiment ne la quittait jamais. Cette sensation d'être une personne horriblement égoïste. Mais n'était-ce pas ça, la liberté ?

Au détour d'une rue, la jeune femme caressa le bois d'une pancarte. Les conversations dont cette dernière avait été témoin défilèrent dans son esprit, lui révélant le chemin exact pour se rendre dans la boutique tant convoitée.

Après quelques minutes, elle se trouva devant la porte. Quelques secondes d'hésitation l'empêchèrent d'avancer, puis elle se décida. Sa venue fut annoncée par le tintement d'une sonnette. La politesse exigeait de se découvrir la tête à l'intérieur, pour la première fois de sa vie, elle fit une entorse à son éducation parfaite. Sa survie était bien plus importante. À l'intérieur, une atmosphère particulière lui sauta aux yeux. Le paradis des bibelots. Des couic et des couac à gogo. Elle pourrait rester là, à examiner les moindres détails. Le désir de les toucher et de connaître leurs histoires la titillait, elle se ressaisit ! Elle devait parler au propriétaire.

- Excusez-moi, il y a quelqu'un ?

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Rebecca entendit la voix du propriétaire des lieux lui répondre. Elle s'en trouva soulagée. Elle patienta alors dans l'avant boutique en compagnie de tous ces objets abandonnés. Certains étaient là depuis bien longtemps. Quelle tristesse. Elle espérait pour eux une adoption des plus rapides. La silhouette sortie de sa cachette et se pressa de réparer l'un de ces êtres de métal, un docteur des objets. Curieuse, la jeune femme ne put s'empêcher de se mettre sur la pointe des pieds afin d'observer la scène.

- Oh, bonjour. Eh bien ... J'ai entendu parler de la qualité de vos réparations. Alors je suis venue dans l'espoir que vous pourriez faire quelque chose pour cette pauvre montre à gousset qui ne marche plus. Elle appartient à ma mère et elle y tient beaucoup.

Deux mains sortirent de cette cape sombre, l'une d'elle retira la capuche pour dévoiler le visage de Rebecca, l'autre sortie la montre à gousset et la présenta à Niko. Elle présenta en premier lieu le problème, dans le but d'installer la conversation et de jauger son interlocuteur. L'espoir de pouvoir discuter simplement avec quelqu'un sans craindre une trahison ne devait pas la rendre aveugle. Il était hors de question de brûler les étapes. De cette manière, elle saurait si les objets lui avaient menti, même si les objets ne mentent jamais.

- Elle est assez vieille, ma mère la possède depuis son adolescence. C'est un cadeau qui se transmet de mères en filles. Le temps l'a sans doute détraqué, ce qui est assez comique pour une montre à gousset.

Un sourire amusé se dessina sur son visage. Oui, elle se trouvait amusée par sa propre blague. Au-delà de ça, elle savait qu'elle n'allait pas hériter de cet objet. Sa sœur en allait hériter. Toujours elle. La préférée ! Cependant, cette petite halte "Au Bouleau de Fer" allait peut-être redistribuer les cartes. Quand leur mère verrait que Rebecca avait fait réparer son souvenir, sa sœur pourrait attendre longtemps pour l'obtenir. Mais il n'est pas encore l'heure de la vengeance. Elle se recentra sur son objectif principal.

- Pensez-vous pouvoir faire quelque chose ?

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Le commerçant semble confiant quant à la bonne exécution de la tâche, ce qui te soulage ! Tu le regardes s'éclipser dans l'arrière-boutique et tu te retrouves une nouvelle fois seule au milieu de ces objets perdus. Des anciens, des modernes, un véritable cimetière pour les êtres inanimés. Si les gens tendaient davantage l'oreille, ils pourraient écouter tout ce que les objets ont entendu. Ils sont les gardiens des secrets.

Tu te balades dans les allées, en attendant le retour de Niko. Ta curiosité l'a emporté, ton envie de connaître le passé de ces objets t'a envahi subitement. Ton attention se porte d'abord sur une poupée de porcelaine que tu touches délicatement. Immédiatement, des images et des sons te submergent. Tu entends la petite fille parler à son amie, sa poupée. Elle invente des histoires, lui créant mille et une vie. Puis tu sursautes, c'est la mère qui entre dans la chambre avec fracas. Hurlant sur son enfant de laisser ce jouet, car elle doit grandir. Le flash s'arrête et tu reposes l'objet. Trop de similitudes avec ta vie.

Plus loin, c'est une veille canne un bois et en métal qui attire ton regard. Tes doigts caressent le bois et tu sens aussitôt une douce chaleur te submerge. Tu vois un vieux couple, amoureux comme au premier jour. L'homme et la femme se tiennent par la main au coin d'une cheminée, le feu crépite, un air de violon ponctuant ce tableau. Tu souris, les yeux fermés. L'amour, le vrai. Du haut de tes vingt-quatre ans, tu n'as jamais connu ça. Dans ton éducation, il n'était pas question d'aimer les autres, mais de s'aimer soi-même. Or, ce sentiment commence à s'effacer avec le temps et tu demandes si tu arriveras à aimer quelqu'un un jour. La joie fait alors place à l'amertume. Tu reposes l'objet.

À côté se trouve un ... Pistolet ? Tu n'as jamais rien vu de tel. Des rouages et des mécanismes étranges forment l'ensemble. Tu n'as pas l'habitude des touchers les objets que tu ne connais pas, mais tu décides de faire exception cette fois. Cependant au moment où tu prends l'arme en main, des cris et des coups de feu retentissent dans ta tête. Tu ressens la douleur et la peur des victimes. Tu tentes de te détacher de l'objet, mais tu n'y parviens pas. Comme si une force mystérieuse t'obligeait à écouter. Après plusieurs tentatives, tu parviens à t'en détacher, laissant le pistolet tomber par terre. Tu te recules et te cognes contre l'armoire derrière toi, certains occupants qui trônaient dessus s'écrasent au sol dans un puissant vacarme. Toujours sous le choc de ce secret dont tu as été témoin, tu essayes de tout remettre en ordre.

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