Oh, on ne décrivait pas Dutch comme quelqu'un de sentimental. C'était davantage un mot qu'on utilisait pour dire ce qu'il n'était pas. Il n'avait jamais vraiment apporté grande importance aux émotions, choses qu'il ne comprenait que trop mal. Enfin... Non, dire qu'il ne les comprenait pas serait un mensonge. Dutch comprenait les émotions, mais davantage avec l'attitude que possède un scientifique observant la vie de ses spécimens de l'autre bord d'une vitre pare-balles. Et ce n'était pas nouveau, cette déconnection, ce manquement d'empathie. Il était né avec, après tout. Pas d'évènement dramatique pour effacer son empathie de sa vie, pas d'expérimentation sur son psyché ou de lavage de cerveau pour le rendre impitoyable et froid. Il était sorti du ventre de sa mère déjà endommagé et on ne pouvait pas vraiment réparer ce qui n'avait jamais été brisé.
Dutch ne manquait toutefois pas de liaison. S'il était difficile pour lui de vraiment s'attacher aux gens, il avait toutefois appris par observation qu'il était mieux d'être entouré de gens pour ne pas paraitre trop psychopathique — pas qu'il l'était moins — et dérangé. On avait tendance à moins voir une personne manquant d'empathie lorsqu'elle s'entourait de personnes dites "aimées". Que ceci soit la vérité ou pas. Il n'était alors pas la personne aux tendances les plus amicales, et encore moins lorsque leurs "utilités" étaient moindre. Il avait tendance à prioriser ses relations et son temps, et en tant que personne très paresseuse, cela finissait souvent par le faire paraitre désintéressé et froid (ce qu'il était, vraiment).
Alors vraiment, si tu lui dis "mon père est mourant, il en a plus longtemps à vivre" et que Dutch occupé à lire le journal pour pas t'écouter te répond "qui ça?", tu— 'fin tu es dans tous les droits de lui en vouloir et de te pointer à sa porte.
C'était pas comme si le Capitaine du Hollandais était véritablement occupé en ce moment, flottant au-dessus de son canapé et sirotant une bouteille de rhum comme si c'était de l'eau. Les rapports attendant son attention totalement oublié sur la table de cuisine, comme à leurs habitudes, il n'était pas des plus occupé. Et pourtant, lorsque Ragnhild vint marteler sa porte, en ce vendredi de décembre—
—il ne réagit même pas pour répondre à ses cris.
Un sourire se peint sur le visage du pirate face à la langue très sale de sa "protégée". Il prenait fierté sur le fait qu'il était le digne créateur des mots très sales de Ragnhild.
Voletant vers la porte, il passa à travers cette dernière la moitié de son corps, mains sous son cou comme s'il était couché dans les airs. À l'allure bien cheshire, il se retourna sur son ventre, mais sous son menton afin de regarder Ragnhild à l'endroit.
Oh. Si. Si si il savait pourquoi elle était là, mais l'irriter et jouer avec elle était un passe-temps.